En bref

Kinect a décrédibilisé la Xbox One face à la PS4

Kinect 2.0 était le fer de lance et le gros plus de la Xbox One à son annonce. À l’origine présenté comme obligatoire pour le fonctionnement de la console, puis simplement décrit comme faisant partie intégrante de l’expérience offerte, Microsoft a fini par lâcher cette politique. La Xbox One est désormais vendue sans Kinect, afin de s’aligner sur le prix de la PS4 de Sony et rattraper son retard sur les ventesZoom sur ce qui est selon moi un cafouillage médiatique et un manque de tact de Microsoft envers ses joueurs.

Kinect c’est quoi ?

Kinect est d’abord un accessoire sorti fin 2010 et conçu par Microsoft pour sa Xbox 360. Répondant au besoin de surfer sur la mode du motion-control, inaugurée par Nintendo avec la Wiimote sur sa Wii (sortie en 2006 en battant tous les records de vente), et en concurrence logique avec le PS Move de Sony sur PS3.

Kinect pour Xbox 360 permet de se passer totalement de manette. « C’est vous la manette » d’après les marketteux de chez Microsoft : branchée à la console, une caméra filme en permanence le ou les joueur(s) et le logiciel analyse leurs mouvements pour les retranscrire en jeu. Présenté comme bien plus révolutionnaire et plus aboutit que ses concurrents Wiimote et PS Move (qui eux, ne se passent pas de contrôleur et ne font qu’analyser la position de celui ci dans l’espace), l’accessoire a fait beaucoup de bruit. Les hackers se sont même approprié Kinect, pour en détourner l’usage.

Kinect a beaucoup fait parler de lui, autant dans le monde des jeux vidéo que dans d’autres secteurs qui saluent la prouesse technique que représente l’engin, et ses possibles applications dans divers domaines.

Kinect a beaucoup fait parler de lui, autant dans le monde des jeux vidéo que dans d’autres secteurs qui saluent la prouesse technique que représente l’engin, et ses possibles applications dans divers domaines.

Kinect est un succès, atteint même 10 millions de ventes en quatre mois et entre au Guiness Book des records. Un chiffre qui donne à réfléchir !

Kinect n’a rien apporté aux jeux vidéo

C’est une bien triste réalité selon moi, mais les accessoires du type Kinect ou PS Move ne sont que de belles vitrines technologiques pour les constructeurs: ils ont permis de donner un second souffle aux ventes de PS3 et de Xbox 360, des consoles vieillissantes avec un parc installé déjà conséquent. Les jeux conçus pour supporter et exploiter Kinect se divisent en deux catégories. 

Il y a ceux qui ont une simple compatibilité avec Kinect comme l’excellente simulation de courses automobiles Forza Motorsport 4, qui permet simplement de jouer au volant ou de contrôler la tête du pilote pour jeter un oeil aux rétroviseurs.. Dans cet exemple l’utilisation de Kinect est très.. accessoire, je le qualifierais même de bling-bling, et en général le retour à un mode de contrôle traditionnel (manette) est synonyme de meilleurs performances pour le joueur. C’est simplement un petit plus, qui permet de faire une pub sympa qui donne un peu plus de visibilité au jeu (ici la licence phare de Microsoft, Forza) et à Kinect. À part pour quelques cas particuliers l’intérêt est très limité.

Ensuite il y a les jeux spécialement conçus autour de Kinect: Just Dance, Kinect Sports ou encore Kinectimals.. Des jeux (parfois originaux, certes) destinés à vendre la console à un public juteux pour qui elle n’est pas destinée à la base: les casual gamers, ou joueurs occasionnels. Ici on tente de nous vendre des jeux assez vides, dont la plus grande partie du budget est cramée en pub et dont le concept simple et accessible est très rapidement épuisé. On va proposer aux enfants, aux personnes agées ou encore à la ménagère de base de se bouger comme des ploucs devant l’écran, pour jouer à ce qui ressemble parfois à une suite de minijeux sans intérêt, et en plus ça fait perdre du poids ! Passé l’effet « wahou » et la démonstration aux copains, on peut mettre le jeu au placard. Il y a bien sûr des exceptions.

Dans Forza 4 Kinect permet de contrôler le volant et les mouvement de tête du pilote en bougeant.

Dans Forza 4 Kinect permet de contrôler le volant et les mouvement de tête du pilote en bougeant.

L’annonce de la Xbox One est une catastrophe médiatique

C’est lors de l’E3 2013 que le 10 juin 2013 Microsoft présente la première console de la 8e génération: la Xbox One (sortie le 22 novembre 2013) ! Un nouveau Kinect (2.0) est présenté avec la console, bien plus puissant et intégré avec la console, avec des possibilités énormes. Le contrôle vocal notamment est amélioré, et permet de facilement jongler entre la partie jeu, Tv ou autres contenus de la console qui est présentée comme une véritable box multimédia.

Kinect est directement associé à ce système tout-en-un, mais n’est pas un élément assimilé comme nécessaire aux joueurs hardcore, qui y voient aussi une réorientation de Microsoft vers le grand public, comme pour Kinect sur Xbox 360 (mais qui était accessoire !). Ce n’est plus une console seulement dédiée au gaming. 

Tout-connecté (pour jouer la console doit se connecter à internet toutes les 24h), jeu d’occasion impossible (DRM), Kinect obligatoire.. « La nouvelle aire du jeu next-gen » qu’on vous dit ! S’en suit une formidable levée de boucliers de la part des joueurs, protestant contre cette révolution ultra-connectée contraignante. Contre Microsoft se soulèvent notamment les magasins spécialisés, dont le modèle économique et celui de toute une branche de l’industrie dépend du support physique et du jeu d’occasion.

« Tout le divertissement prend vie dans un seul endroit [...] Un système tout en un pour une nouvelle génération dans le jeu, la télévision et le divertissement », avait insisté Don Mattrick, à l’époque vice-président principal responsable de la gestion de l’unité Interactive Entertainment Business de Microsoft, aujourd'hui PDG de Zynga.

« Tout le divertissement prend vie dans un seul endroit […] Un système tout en un pour une nouvelle génération dans le jeu, la télévision et le divertissement », avait insisté Don Mattrick, à l’époque vice-président principal responsable de la gestion de l’unité Interactive Entertainment Business de Microsoft.

Si ce que proposait là Microsoft avait des points positifs, les joueurs ont leurs repères depuis des années et les potentiels problèmes ou abus liés notamment au respect de la vie privée ont eu raison de cette politique. Pour ne pas arranger les choses et alimenter la paranoïa des joueurs, quelques mois plus tôt Microsoft avait même déposé un brevet: Kinect pouvait surveiller les joueurs pour faire payer la VoD en fonction du nombre de spectateurs. C’est le parfait symbole d’une politique très contraignante pour l’utilisateur qui permet à Microsoft de mieux imposer son contrôle avec des mécanismes simples. Avec Kinect, l’oeil de Microsoft qui s’immisce dans les foyers, pour l’observer, voire dans ce cas précis pour le surveiller.

Sony gagne la première manche

Quelques heures plus tard débutait l’annonce par Sony de la PS4 (sortie le 29 novembre 2013) qui reste dans les traces de la précédente génération (support physique et connexion facultative pour jouer notamment). L’attendue grande concurrente de la Xbox One achève la politique controversée de Microsoft qui se retrouve seule dans son délire. Très traditionnelle, la PS4 n’impose pas toutes ces limitationsPire: la PS4 est annoncée à 400€ contre 500€ pour la Xbox One équipée de Kinect (déjà au centre de la controverse), qui justifie par sa présence la différence de prix.

Peut être qu’il y avait de la paranoïa parmi les arguments avancés par les joueurs (non, un agent de Microsoft ne va pas observer en permanence votre salon et ce que vous y faites), mais j’étais moi-même assez étonné tant cette politique était contraignante et liberticide.

« On s’est mal compris »

C’est globalement ce qu’a répondu Microsoft quelques jours plus tard en changeant totalement de politique dans un retournement de veste épique, s’alignant sur celle de la PS4. Jeu hors-ligne, jeu d’occasion, tout redevient comme avant. Il aura tout de même fallu que les joueurs se soulèvent et qu’un challenger (Sony) mette la pression pour que Microsoft fasse marche arrière.

La sortie de la Xbox One puis de la PS4 montre une préférence pour le bébé de Sony, qui n’impose pas d’onéreux capteur. Kinect est toujours dans le pack, et Microsoft répète à qui veut l’entendre que l’expérience Xbox n’est pas envisageable sans Kinect

Peu d’égards envers les joueurs

C’est en mai 2014 que Microsoft fait à nouveau volte-face. Le sourire en zig-zag, Microsoft annonce une version de la Xbox One sans Kinect pour 400€, soit le prix de la PS4. Microsoft souhaite redresser la barre, Kinect n’intéressant pas tout le monde et l’écart de prix trop important handicapait la Xbox One face à la PS4.

C’est ici un grand manque de respect envers les joueurs: ceux qui ont été obligés de prendre la console avec Kinect sont lésés. Kinect, qui n’a toujours pas réellement fait ses preuves, ne sera pas la promesse qui a été faite à ceux qui l’ont acheté vu que de moins en moins de jeux seront développés pour ce qui est désormais un accessoire. C’est un mouvement de panique un peu dommage, puisque Kinect permettait de démarquer la console en faisant clairement partie de l’expérience Xbox One.

Microsoft enfonce même le clou en déclarant que la Xbox One est plus performante sans Kinect: « Les ressources supplémentaires permettent d’ajouter jusqu’à 10% de puissance supplémentaire au GPU ». Si l’absence de Kinect permet réellement de meilleures performances pour la console, inutile de préciser qu’aucun développeur n’a intérêt à proposer le support de l’accessoire. En plus de leur avoir forcé la main, Microsoft a fait acheter un boulet aux joueurs. L’entreprise, en plus de renier les early adopters, qui croyaient en elle et se sont jetés à l’eau, envoie le signal qu’il faut se méfier lors de la sortie d’un de ses produits: mieux vaut attendre, Microsoft va changer d’avis.. 

Finalement, alors que les consoles next-gen sont sorties il y a moins d’un an, on peut déjà dresser un premier bilan, qui n’est pas à l’avantage de Microsoft.

Alors que Sony, acclamé par les joueurs, a fait preuve d’une certaine droiture dans ses annonces, Microsoft a cafouillé. Après avoir tenté d’imposer un modèle lui permettant de réduire la liberté des joueurs; après leur avoir menti en vendant du rêve avec Kinect, qui était indissociable de la Xbox One et qui ne va pratiquement plus avoir de jeux dédiés désormais, laissant les acheteurs de la première heure avec un accessoire déjà périmé (pour les jeux en tout cas); Microsoft a perdu la confiance d’une partie des joueurs qui risque de lui tourner le dos.

On me dit à l’oreillette que la Xbox One se vend bien mieux sans Kinect. Depuis ce fiasco médiatique et ces changements frénétiques de position, Don Mattrick, lui, travaille désormais chez Zynga[]

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Plus d’articles bientôt

Timothée Fournié-Taillant, le Pixel Conscient

A propos Timothée Fournié-Taillant (19 articles)
Étudiant en droit, passionné de nouvelles technologies, j'ai créé mon blog Pixel Conscient pour y publier mes réflexions et articles de fond sur l'ère numérique. Je souhaite devenir juriste spécialisé en droit des NTIC. Contact timothee(at)pixelconscient.net
Contact : Site webTwitter

2 commentaires sur Kinect a décrédibilisé la Xbox One face à la PS4

  1. Super article ! Tout est dit, et je me félicite de constater que les joueurs ouvrent les yeux sur la réalité de la politique liberticide de MS.

    Longue vie aux jeux vidéo !

  2. C’est sur qu’ils ont réussi leurs coups sony !
    vive la ps4 !

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  1. L'évolution négative des jeux vidéo à l'ère connectée - PIXEL CONSCIENT

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